L’hiver et le temps des fêtes, ce n’est pas nécessairement joyeux pour tous et toutes. On passe à travers et on apprécie encore plus le printemps, mais bon, ça reste une période plus difficile pour plusieurs, dont moi, d’où ma diminution d’activité en ligne à cette période de l’année. Je préfère être toute là, à quelques endroits, qu’à moitié là partout.

C’est bien d’être professionnelle et détachée, mais c’est aussi en étant humaine et sensible qu’on arrive à créer des liens et soutenir des femmes plus méfiantes ou désillusionnées. Alors je le suis, à profusion, et je fais avec quand c’est plus difficile. Ça vaut la peine et je finis toujours par me rappeler, même quand c’est plus difficile, que j’ai une chance inouïe d’effectuer ce travail.
Guerrières-disparues

Disparues trop tôt

Deux des femmes que je soutenais depuis quelques mois sont décédées en décembre et janvier derniers… Disparues de façon précoce, et des conséquences directes de leur prostitution. Ce n’est jamais facile, mais ça arrive. Dans ce temps-là, je me laisse vivre les émotions qui montent. Je m’accorde une pause et quelques douceurs, j’accepte, je lâche prise et je continue.

Toutefois, ce sur quoi j’ai du mal à lâcher prise, même si ça ne me ronge pas au quotidien, heureusement, c’est de perdre le contact avec une femme. Ne plus avoir de ses nouvelles, ne pas savoir si elle va bien, etc. Ça fait partie du travail et je vis avec, mais chaque jour, pendant quelques secondes, j’ai une pensée pour mes « guerrières disparues » et je souhaite qu’elles soient bien.

Une rencontre fortuite

Ce soir, après ces semaines difficiles et la fatigue qui vient avec, j’ai eu l’immense bonheur de recroiser l’une de ces guerrières. Je ne l’ai pas connue à travers le soutien que j’offrais, ni même via un organisme ou un événement en lien avec la sortie de prostitution, mais nous nous étions ouvertes l’une à l’autre et depuis, telle une étoile filante, elle traversait mes pensées de temps en temps. Je me rappelais les épreuves qu’elle vivait à l’époque et je lui souhaitais que ça aille mieux.

Elle va bien. Elle m’a semblé on ne peut plus épanouie, sage et sereine. On a pu discuter un bon moment et ça tombait juste à point. Juste au moment où j’avais besoin de me rappeler concrètement pourquoi je fais ce que je fais et pourquoi je vais où je vais. Juste comme j’avais besoin de me rappeler à quel point je suis privilégiée de pouvoir croiser tant de belles humaines.

La vie n’est pas toujours facile, elle semble parfois très absurde, mais finalement, elle est bien faite et surtout, elle est précieuse. Ne lâchez pas svp, peu importe ce qui se passe. Il y a toujours un chemin à prendre, une route à essayer et de belles choses à découvrir.

Silhouette-fleurs

Hommage aux femmes disparues

RIP, mes grandes guerrières. Vous le méritez vraiment, même si c’était trop tôt. Merci d’être passées dans ma vie et de m’avoir fait confiance. Ce fut un honneur de cheminer avec vous et je garde précieusement, dans un coin de mon cœur, de supers souvenirs de nos échanges et de vos réflexions si inspirantes.

 

Rose Sullivan – Intervenante de milieu