Un projet de recherche est mis sur pied afin d’identifier les besoins en logement des victimes pour faciliter leur réinsertion sociale
L’organisme La Sortie annonce le démarrage du projet de recherche Horizon, un projet qui vise à développer un modèle d’intervention en logement pour les victimes d’exploitation sexuelle afin de leur offrir une porte de sortie du milieu criminel et un soutien dans leur réinsertion sociale. Cette initiative inédite au Québec est mise en œuvre alors que l’exploitation et le trafic sexuels sont des fléaux majeurs de notre société, notamment à Montréal, puisque la métropole québécoise s’avère être une destination importante pour le tourisme sexuel.
Projet Horizon : analyse des besoins réels des victimes au Québec
Le projet de recherche permettra d’identifier les besoins en services de logement conçus sur mesure pour les victimes d’exploitation sexuelle. Mentionnons que des services d’hébergement dédiés à cette population existent déjà dans d’autres provinces canadiennes, soit en Ontario, en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Alberta.
« Nous espérons que ce projet marquera un tournant dans le soutien offert aux victimes d’exploitation sexuelle et de la traite au Québec », souligne monsieur Ronald Lepage, directeur de La Sortie, un organisme qui vise la mise sur pied à Montréal d’un centre d’hébergement de transition pour les femmes victimes d’exploitation sexuelle. « Il est temps que nous disposions, comme c’est le cas ailleurs au pays, d’une offre en logement pour ces personnes qui vivent des situations très difficiles. Elles ont besoin d’un lieu qui regroupera différents services d’accompagnement pour leur permettre de rebâtir leur estime, de retrouver un quotidien qui soit sain et ainsi de réinsérer la société plus fortes et outillées ».
Bien que le portrait de l’exploitation sexuelle à Montréal et au Québec ne soit pas bien documenté, certaines données confirment l’ampleur du phénomène et la réalité de nombreuses victimes.
• Les organismes œuvrant auprès des mineurs qui se prostituent estiment qu’environ 4 000 filles et garçons, âgés de 12 à 25 ans, seraient engagés dans des activités sexuelles commerciales à Montréal seulement (rapport du vérificateur André Lebon, 2016).
• En 2013, dans la région de Montréal, on dénombrait plus de 330 établissements offrant des services sexuels, dont près de 200 salons de massages, 65 bars de danseuses et 38 agences d’escortes. Le dénombrement de ces commerces n’est pas exhaustif, puisqu’il ne tient pas compte des services offerts sur Internet, dans les journaux ou dans les hôtels (SRCQ, 2013).
• Au Canada, 90 % des victimes sont citoyennes canadienne ou résidentes permanentes, dont 40 % sont des mineurs (Jimenez, 2014)
• 89 % des travailleuses du sexe souhaitent quitter le milieu (CSF, 2012).
• 78 % des femmes ayant quitté l’industrie du sexe disent connaître des problèmes de santé mentale
(CLÉS, 2014).
Des besoins réels, des ressources insuffisantes
Les victimes d’exploitation sexuelle sont généralement traumatisées par les agressions et les abus verbaux, sexuels ou physiques. De nombreux impacts sont présents et persistent dans le temps : des problèmes de dépendance, de santé mentale, d’itinérance, d’endettement et différents types de dysfonctionnement. Bien que certaines ressources de soutien et d’hébergement d’urgence soient disponibles, aucun service de logement à moyen terme n’est offert à ces victimes. Une telle ressource viendrait notamment compléter l’offre montréalaise déjà implantée, tels que les refuges, en permettant aux victimes de retrouver leur autonomie et d’acquérir les outils et les compétences nécessaires pour réintégrer plus aisément la société.
« À 17 ans, j’ai dû quitter la maison familiale et je suis devenue escorte pour subvenir à mes besoins. Je suis finalement sortie de ce milieu à 21 ans parce que ça devenait dégradant, je perdais le respect de moi-même », raconte Chantal, aujourd’hui âgée de 39 ans. « J’ai réussi à m’en sortir, mais je pense souvent à ces filles qui sont manipulées par les gangs de rues et qui vivent des situations atroces. Quelles sont leurs portes de sortie? Où peuvent-elles aller? Que deviendront-elles? Il faut leur offrir du soutien, un toit pour qu’elles se remettent physiquement et psychologiquement. Il est important que ces jeunes filles et ces femmes sachent qu’il y a de l’espoir et que leur vie ne s’arrête pas là. »
À propos du projet de recherche Horizon
Principalement financé par le ministère de la Sécurité publique du Canada, le projet de recherche Horizon est dirigé par Mme Maria Mourani, chercheuse principale. Elle est criminologue et sociologue, diplômée de l’Université de Montréal. Elle est présidente et chef de la direction de Mourani-Criminologie. Au cours de sa carrière professionnelle et universitaire, elle a mené des recherches sur les gangs de rue, le crime organisé, le trafic d’êtres humains et la prostitution. Elle est l’auteure de deux livres sur le sujet : La face cachée des gangs de rue et Gangs de rue Inc. L’équipe de recherche pour ce projet est également soutenue par un comité de consultation issu de plusieurs organismes communautaires.